Chantal Zaouche-Gaudron est professeure émérite de psychologie de l’enfant
La petite enfance – de la naissance à 6 ans – est tout autant une période de constructions extraordinaires que de vulnérabilité en raison des développements qui s’y réalisent. Nous ne sommes pas vulnérables par « essence », et les vulnérabilités résultent la plupart du temps de divers mécanismes liés notamment aux conditions de vie dans lesquels les personnes évoluent depuis leur enfance et tout au long de leur vie. En France, le mot de « négligence » se cherche et/ou se cache derrière les termes de « maltraitances » et « violences » ou s’insinue comme il le peut dans des interstices. Proposer une définition claire et explicite des négligences envers les enfants, prenant en compte l’ensemble des caractéristiques qu’implique le vocable, l’affiner afin que chacune et chacun puisse retrouver les multiples sens qu’il ou elle lui donne selon la posture de professionnel.le, de chercheur.e, de citoyen.ne qu’il ou elle occupe est un exercice difficile mais néanmoins nécessaire. L’inscrire dans plusieurs champs disciplinaires (développement et attachement, clinique, psychopathologie) et à la croisée des pratiques professionnelles nécessite aussi une démarche réflexive. C’est à cet exercice que sera consacrée la première partie de notre propos. La deuxième proposera une approche écosystémique afin de pouvoir appréhender la problématique des négligences dans l’articulation entre parent et espace social. Le modèle écosystémique permet, en effet : 1/ de cerner tout à la fois les conditions personnelles, interactionnelles et sociétales dans lesquelles les négligences apparaissent, se déroulent et se transmettent d’une génération à l’autre tout en précisant les facteurs de risque et de protection, 2/ d’expliciter certains processus essentiels tels que les besoins fondamentaux des enfants et le métabesoin de sécurité et 3/ de préciser les responsabilités tant individuelles que collectives permettant de s’extraire de l’unique stigmatisation des parents, notamment les mères. Une approche holistique constitue la meilleure réponse sociale et politique à la problématique des négligences envers les enfants qui ne peut se réduire à la seule focalisation et stigmatisation parentales.